Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
28 novembre 2015 6 28 /11 /novembre /2015 09:53
Nouveau site!

Pour découvrir de nouveaux articles, mes livres, mes créations artistiques ou encore les visites de musées que je propose, rendez-vous sur ce site :

www.nicolai-feuillard.com

Partager cet article
Repost0
10 octobre 2015 6 10 /10 /octobre /2015 19:46

 

Cet article est extrait de mon site culturel nicolai-feuillard.com

 

Étienne Martellange n’est pas un inconnu pour les historiens de l’art français du XVIIe siècle. Cet architecte fut intimement impliqué dans la construction des établissements les plus importants de la Compagnie de Jésus en France. Attentif à divers courants artistiques, inventeur d’un type d’église excellent, il mérite d’être compté au nombre de ceux qui ont fait « le siècle de Louis XIII ». Sereinement ou au prix de durs conflits, il a été constamment l’un des interprètes les plus exemplaires des aspirations de son temps vers la sobriété et la pureté. En cet homme, qui comprenait le gothique, connaissait les modèles italiens et savait, par son expérience quotidienne, les exigences concrètes de la construction, se dessine un remarquable archétype de l’architecte.

 

Étienne Charvet, dans une monographie (Martellange, 1874), Henri Bouchot dans Notice sur la vie et les travaux d’Étienne Martellange (1886), et Pierre Moisy dans Les églises des jésuites de l’Ancienne Assistance de France (1958), ont analysé et jugé l’œuvre de Martellange. Les biographies ne manquent pas, mais des travaux récents permettent de jeter un nouvel éclairage sur l’art et la personnalité du frère jésuite.

 

Fils d’un peintre prénommé comme lui, Martellange est né en 1569 à Lyon. Il meurt, le 3 octobre 1641, dans le noviciat de Paris. Sa vie se divise en trois périodes d’activités. Nous avons d’abord un homme qui se consacre à l’étude. Puis, à l’âge de trente-six ans, il devient un itinérant de l’architecture. À partir de 1630, il s’installe à Paris, dont il ne s’éloignera plus guère, retenu dans cette ville par des tâches importantes.

 

Nous ne possédons aucune information sur l’enfance de Martellange. En revanche, il est possible de mettre en relief sa vocation, son entrée au collège et ses premiers ouvrages. Dans un article fondamental pour la connaissance de sa carrière1, Jean Valléry-Radot a montré que le futur coadjuteur temporel séjourne à Rome en 1586-1587. Le 24 février 1590, il entre dans l’Ordre des Jésuites à Avignon. Charvet l’a noté : le Lyonnais prend dans cette ville des habitudes professionnelles (il se sert ainsi de la canne, mesure avignonnaise), mais nous ne possédons aucun témoignage de ses activités d’architecte avant 1605. Par contre, un document retrouvé à la Visitation d’Annecy nous dit : « [Ce portrait] de N. Père St François de Sales a été tiré sur l’original […] maison des pères jésuites de Chambéry, par le frère Martellange, Lyonnais, qui fut son secrétaire, et depuis de la compagnie de Jésus […] bon frère ambitieux d’avoir ce digne portrait, le refus que notre Saint avait déjà fait à plusieurs personnes le détermina à faire une petite ouverture à un des panneaux de la porte de sa chambre. C’est par cette adresse qu’il nous a procuré le bonheur d’avoir sa vraie ressemblance. »

 

 

Portrait de saint François de Sales, par Martellange

 

 

Martellange quitte définitivement le noviciat treize ans après l’avoir rejoint, alors que la formation dispensée par les Jésuites comporte onze années d’études. Pareil fait favorise une interprétation. Peut-être le Lyonnais a-t-il marqué une pause dans ses études afin de se mettre au service de François de Sales. Vers quelle époque ? Le P. de la Rivière nous apprend que « du commencement » François de Sales « tenoit un secrétaire, mais iceluy s’estant rendu Religieux, il résolut de s’en passer désormais2 ». Que signifie « du commencement » ? Sans doute une étape de la carrière du prélat savoyard. En 1599, il devient évêque coadjuteur, puis titulaire (1602) du siège de Genève transféré à Annecy. Nous savons que Martellange termine ses études à Avignon en 1601-1602. Une hypothèse logique serait que l’auteur de l’Introduction à la vie dévote eût près de lui Martellange vers 1599-1600.

 

Cette conjecture est plausible, mais elle nous oblige à supposer, arbitrairement, que notre artiste a séjourné à Annecy. Une autre tentative de datation peut se formuler ainsi : il semble que ce portrait ait été réalisé à Chambéry ; la présence de Martellange dans cette ville est attestée de mars à juin 1603. Nous pourrions supposer qu’il fût le secrétaire de François de Sales lors de ce voyage en Savoie, quelques mois, guère plus.

 

Plus simple à présenter que les vicissitudes et les dates de sa biographie est un portrait de François de Sales, seul tableau de Martellange qui nous reste. En effet, les premiers documents qui parlent de lui le désignent comme peintre. Le 25 octobre 1601, le vicaire général de l’Archevêque d’Avignon, demande un retable pour sa chapelle dans l’église Sainte-Claire ; l’œuvre doit être en pierre avec un « plat fondz » de peinture ; il est dit dans l’acte que le dessin restera dans les mains de Martellange ce qui permet de présumer que ce dernier en était l’auteur3. Quelques mois plus tard (20 juillet 1602), dans un prix-fait de retable, pour une église non indiquée, on déclare que le modèle est l’œuvre du « Frère Martel Ange, du Collège des Pères jésuites d’Avignon4. »

 

Mais ce n’est pas comme peintre qu’il s’impose. Le 29 mars 1603, il prononce ses vœux de coadjuteur temporel à Chambéry. L’année suivante, les Jésuites rentrent en France et se trouvent appelés à la direction de nombreux établissements d’instruction publique ; son rôle est alors tracé : il devient architecte de la Compagnie de Jésus.

 

De 1605 à 1630 environ, il travaille à presque tous les collèges que son Ordre fait alors bâtir dans les provinces de Lyon, de Toulouse, d’Île-de-France et de Champagne. Il participe à la construction de vingt-six édifices. On devine, d’après ce total, l’architecte qu’il est : un religieux à l’intense production, qui s’occupe de travaux si nombreux qu’il lui est impossible de surveiller personnellement chaque détail. Plus précisément, il supervise les chantiers conduits par des entrepreneurs suivant les dessins qu’il a donnés. Sa démarche est la suivante. D’abord, il laisse les plans nécessaires et des mémoires très détaillés aux mains des maîtres-maçons. Puis il revient périodiquement pour vérifier la manière dont s’exécute le projet. En outre, au cours même de ses déplacements, il écrit pour répondre aux difficultés qu’on lui soumet et suggérer des adaptations à ses premiers plans.

 

Pierre Moisy a appelé l’attention sur ce qu’il appelle le schéma de Martellange. Le lecteur qui compare ses plans renfermés dans le Recueil des Estampes5 ne manque pas d’être frappé par la répétition d’un type que l’on peut définir ainsi : un rectangle parfait dont la largeur est de peu inférieure à la moitié de la longueur ; une large nef flanquée de chapelles ; un transept non saillant ; un chœur rectangulaire ; un chevet plat.

 

 

Collège de Roanne, France : projet d'ensemble y compris l'église

 

 

Ce modèle, dessiné pour le Puy en 1605, se retrouve à Moulins ; Vienne, avec quelques modifications ; Carpentras ; la Trinité de Lyon, avec une nef à quatre travées ; Sisteron, bien que le tracé du transept soit légèrement modifié ; Roanne. La répétition de ce plan s’explique par sa facilité d’exécution : les maçons peuvent le réaliser sans trop de problèmes et l’architecte n’est pas tenu d’être là en permanence.

 

Il s’ensuit de ce qui précède que Martellange livre, dès le départ, un plan adapté aux conditions propres aux constructions des Jésuites, qu’il utilise longtemps par la suite sans modifications importantes. Il convient de se demander s’il a aussi cherché à mettre au point une typologie exemplaire des façades. Il confère à chacun de ses sanctuaires une physionomie individualisée, mais il essaye parfois des formules analogues. Les dessins pour Lyon et Rennes ont en commun un élément essentiel : une porte surmontée d’une niche unie à elle par des consoles renversées ; au-dessus, une ouverture, fenêtre géminée à Lyon, oculus à Rennes. Il est intéressant de voir que Martellange essaie d’intégrer ce motif autonome dans un ensemble et de le faire participer à une composition. Le dessin pour Lyon le place dans un quadrillage formé par deux faux pilastres qui unissent les deux étages. Au sommet, s’étale un fronton triangulaire. À Rennes, pas de fronton, ni de pilastres. De puissants contreforts en forte saillie enserrent la porte et l’oculus, et confèrent ce fort accent vertical qui singularise ce projet. Le plus spectaculaire est le pignon en pente très rapide, sommé d’une croix et orné sur la corniche par le comble d’une lucarne.

 

 

Noviciat Saint-Joseph de Lyon : élévation et coupes pour l'église

 

 

À Blois, comme à Rennes, il fait jouer un rôle important dans l’effet à un haut comble aigu.

 

 

 Collège de Blois, France : projet pour l'église, non exécuté

 

 

La porte et l’oculus qui la surmonte prononcent une légère saillie sous le fronton, en revanche la travée extérieure est en retrait. Ce mouvement permet de se passer presque complètement des pilastres qui sont cantonnés aux angles du corps central et aux extrémités de la façade. Au noviciat de Paris, il reprend l’ordonnance de la façade de Blois, mais il n’en imite pas le détail : il introduit entre les pilastres des niches étroites et hautes, il remplace l’oculus par une fenêtre rectangulaire et surtout il diminue la largeur des travées latérales.

 

 

Vue de l’église du Noviciat des Jésuites situé à Saint-Germain des Prez à Paris

 

 

L’écriture graphique des modénatures détermine un caractère à la fois plus chargé et plus retenu qu’à Blois ; plus chargé, car l’architecte multiplie les pilastres et les tables, plus retenu parce qu’il se limite à ces uniques éléments.

 

Voilà pour l’analyse de quelques-unes de ses œuvres ; voyons maintenant l’artiste lui-même. Martellange risque de passer, à première vue, pour un praticien borné à la routine de son art. Il n’en est rien. Par la traduction du traité De artificiali perspectiva, de Jean Pèlerin, il confronte le problème de la pratique avec celui de la théorie. Pour mener à bien cette tâche, il fallait que notre jésuite fût un homme de lettres, sensible aux nuances ou aux connotations de mots. En effet, pour faciliter l’intelligence de cet ouvrage, il en développe et explique les passages difficiles.

 

 

Martellange, chapelle du collège de Dijon, aujourd'hui bibliothèque municipale

 

 

Le fait qu’il soit un homme de chiffres et d’épures ne l’empêche pas de manifester une sensibilité artistique. On se forge une idée sur celle-ci grâce à l’album qui se trouve au Cabinet des Estampes6. Certes, de nombreux feuillets témoignent avant tout de la science de l’architecte : en consultant les deux volumes, on voit des bâtiments en construction (fig. 6), des vues de villes, des restes de monuments antiques, dont il reproduit les détails avec une précision archéologique ; c’est un véritable voyage rétrospectif que l’on fait dans l’ancienne France. Mais d’autres feuillets dévoilent des préoccupations d’un ordre strictement personnel. Ainsi, pour nous limiter à un seul exemple, le dessin de « La Quantine proche de Carpentras », est l’œuvre d’un homme réceptif à la poésie d’un paysage. On admire le feuillé de l’arbre du premier plan, traité d’une manière très large, et le rendu des carrés de légumes, où la puissance de synthèse éclate avec beaucoup de netteté.

 

 

La Quantine proche de Carpentras

 

 

Mentionner le nom de Martellange, c’est donc évoquer un artiste divers et cultivé. Quant à son caractère, mieux vaut laisser parler un de ses contemporains : « Modèle de sobriété dans l’usage de la parole, écrit le Recteur du noviciat de Paris en 1641, ami de la simplicité et de la vérité, il avait en horreur toute apparence de dispute ». À l’égard de son talent, les témoignages d’admiration ne manquent pas de son vivant, ni plus tard. Parmi ceux-ci, celui de Henri IV qui sollicita personnellement son concours pour présider à la construction du collège royal de La Flèche.

 

De telles exemples, qu’il serait facile de multiplier, prouvent que Martellange apparaît aux yeux de ses contemporains comme une personnalité remarquable, et l’on ne s’étonne pas que ses supérieurs lui aient confié une tâche considérable : l’édification de l’église de la maison professe de Paris. Grâce à la médaille frappée à l’occasion de la pose de la première pierre, le 7 mars 1627, le projet qu’il a élaboré pour la façade nous est connu. La lourdeur et l’archaïsme de celui-ci nous paraissent lui interdire de prétendre à un grand mérite architectural. Il semble que Martellange n’est guère à l’aise pour traiter une composition à cette échelle. On comprend ainsi mieux que la Congrégation provinciale ait préféré le projet du Père Derand.

 

 

 Façade de l'église Saint-Paul-Saint-Louis, par le Père Derand

 

 

Martellange est destitué dans le courant de 1629. La même année, il commente sévèrement l’ouvrage de son confrère. Ses critiques sont nombreuses, mais on peut, pour simplifier, les classer sous deux chefs : les nécessités pratiques, la beauté. Étant donné la virulence de ses propos - tout à fait dans la tradition des querelles touchant le changement des goûts - notre jésuite peut sembler un adversaire déterminé des innovations modernes, à l’exemple d’un Fréart de Chambray, partisan rigoureux d’une esthétique normative. Cependant, le drapeau de la Doctrine n’est pas franchement porté par Martellange. Il s’indigne des irrégularités qu’il constate dans l’œuvre de Derand, mais dans sa carrière il n’a jamais fustigé les formes réclamées par la mode.

 

Malgré cet échec à Saint-Louis, Martellange revient à Paris dès 1630. À l’instigation de Sublet de Noyers, qui finance la construction, il consacre onze années de sa vie, les dernières, à bâtir l’église du noviciat des Jésuites. Dans cette réalisation, la synthèse de qualités auparavant dispersées entre plusieurs œuvres se réalise avec efficacité et sobriété. Avec un champ de références ouvert, son plan se rattache aux exemples laissés par le Moyen-Âge, à l’église romaine Sainte-Marie-des-Monts et au schéma décrit quelques lignes plus haut. Autre comparaison possible : en imaginant les bras du transept un peu prolongés, on a l’impression de se trouver devant un plan inspiré de la croix grecque, centré et comme suspendu à la clef de la coupole plate de la croisée.

 

 

Eglise du Noviciat des Jésuites à Paris

 

 

Cette église étant traversée par plusieurs courants et tensions de la culture architecturale classique, il n’y a pas lieu de s’étonner si le groupe de doctrinaires qui s’abrite derrière de Noyers met tout en œuvre pour attirer sur elle l’attention du public, à grand renfort de propagande préalable et de persistante publicité. C’est d’ailleurs à partir de ce modèle que des architectes ont pu forger leurs œuvres : le lien typologique avec les chapelles des Jésuites à Besançon, à Quimper et à Vannes, entre autres, est évident. Tout ceci peut se résumer ainsi : l’art du Lyonnais entretient des rapports étroits avec le passé et donne naissance à une forme archétype, qui vient enrichir la palette des créateurs de la génération suivante. Mieux dit, Martellange rend avec usure à son siècle ce qu’il a reçu de lui.

 

 

 

1. « Le séjour de Martellange à Rome en 1586 et 1587 et ses dessins de jeunesse », dans La Revue du Louvre et des Musées de France, 1962, n° 5, p. 205-216.

2. Vie de saint François de Sales, Annecy, 1625, p. 360.

3. AD84, Notaires, Étude Pradon, reg. 479 bis, minutes de François Chaissy, 1601, f° 453.

4. Ibid., Fonds de Beaulieu, reg. n° 236, minutes de J.-J. de Brie, f° 66.

5. BNF, Estampes, Hd 4, in-fol. t. I à XIII ; Hd 4, gr. in-fol. t. XIV à XVIII.

6. BNF, Estampes, Album Martellange, t. I, n° 8769 Ub 9, t. II, n° 8770 Ub 9a.

 

Partager cet article
Repost0
1 mai 2010 6 01 /05 /mai /2010 11:32

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le Concerto pour violon n° 2 en mi mineur, opus 64, est divisé en trois mouvements qui se succèdent sans interruption ; son exécution dure entre 25 et 30 minutes.

Dans la seconde mesure du 1er mouvement (allegro molto appassionato) le violon attaque une cantilène à caractère lyrique, reprise par l’orchestre, avant que le soliste n’enchaîne avec un motif secondaire plus impétueux. Peu après, flûtes et clarinettes exposent une mélodie au-dessus d’un point d’orgue émis par le violon. Le développement du thème principal et du motif secondaire conduit à une cadence intégrée au mouvement, lequel se termine sur une variation du motif secondaire. L’andante s’enchaîne à l’allegro par une simple tenue du basson. C’est peut-être la plus belle page de la partition.

Cet andante laisse place à une évocation de la cantilène initiale. Celle-ci précède l’introduction d’un allegretto non troppo. Avec le développement du dernier mouvement (allegro molto vivace) réapparaît la cantilène initiale, dont la ligne mélodique fait l’objet de variations confiées au soliste.
 
Dans cette œuvre, où le violon est presque toujours au premier plan, « pas d’acrobatie à la Paganini, ni d’effets de virtuosité gratuite, mais une parfaite intégration au discours symphonique, hors de toute formule conventionnelle ». (Remi Jacobs)

Reste que cette œuvre d’un compositeur présenté souvent comme néo-classique, mais ici très romantique, est inspirée des concertos de Paganini (notamment le 5e). Nombre d’interprètes en ont fait leur morceau de prédilection, cela s’explique aisément par son équilibre formel et son charme mélodique.

 

 

Partager cet article
Repost0
9 septembre 2009 3 09 /09 /septembre /2009 12:27


Le Jeu de l’amour et du hasard est une comédie trois actes de Marivaux représentée pour la première fois en 1730.

Histoire : Devant épouser un homme qu’elle n’a jamais vu, Silvia obtient de son père Orgon la possibilité d’échanger son rôle avec sa servante, Lisette, afin d’observer plus facilement son prétendant. Son père accède d’autant plus facilement à sa demande qu’il sait que Dorante a échangé de même son rôle avec son valet, Arlequin. Silvia et Dorante s’étonnent mutuellement sous leurs masques, alors qu’Arlequin essaie de jouer les maîtres…


On retrouve ici un thème cher à Marivaux (surprise de l’amour malgré les préventions et conventions), un brio formel (inversions, parallélisme, déguisements), des enjeux certes moins grinçants que dans d’autres pièces, mais explorant certains aspects psychologiques et sociaux.

Il y a parallélisme entre maîtres et valets dans le Jeu, comme dans la Surprise de l’amour et la Seconde Surprise de l’amour, c’est d’ailleurs un thème souvent traité au théâtre, mais qui s’allie ici à l’inversion des rôles, que Marivaux avait déjà initié dans l’Île des esclaves et la Fausse suivante. L’alliance des deux principes constituent un mécanisme complexe. 

Chacun des maîtres découvre, avec une certaine amertume, les contradictions du cœur et de la raison sociale, tandis que les valets éprouvent un sentiment inverse, prenant le jeu au pied de la lettre. Il s’agit ici d’un système de tromperie et de faux-semblant fonctionnant par symétrie et impliquant des couples de personnages. Marivaux montre avec le Jeu un raffinement, de subtiles décalages. Mais la symétrie des couples s’infléchit, à mesure que la pièce avance, le moment de l’aveu est ainsi caractéristique : s’il est réciproque et joyeux chez les valets, il devient un défi aux conventions de la part de Silvia.

Il est à noter que Marivaux évite le face-à-face Dorante/Lisette et Silvia/Arlequin. Pour ne pas heurter le public noble de l’époque ? Cela reste à voir, dans l’Île au esclave, Marivaux montre un face à face bien plus violent (entre Euphrosine, ex-maîtresse en esclavage et Arlequin qui la désire). Peut-être que Marivaux a tout simplement considéré que ces rencontres alourdiraient la pièce… Il n’en reste pas moins que le Jeu est moins offensif que l’Île aux esclaves pour ce qui est de l’inversion des rapports sociaux, ou plutôt Marivaux les intègre ici au thème éternel de la naissance de l’amour.

Naissance de l’amour alors qu’un projet de mariage se met en œuvre... un mariage à travers lequel le sentiment est subordonné aux conventions sociales et aux intérêt familiaux. C’est là un thème très convenu, mais le traitement de Marivaux le transfigure. Cela dit, je n’y vois pas ce que certains critiques (souvent très politisés…) ont voulu y voir : une lutte des classes (valets/maîtres), lutte des idées conservatrices et révolutionnaires, ou que sais-je d’autre... Mais il est vrai que la conception du mariage correspond ici assez à celle que nous avons à présent (quoique les nobles finissent ensemble et les valets de même), et cela favorise évidemment la sociologie littéraire (qui a, me semble-t-il, parfois exagéré dans ses analyses). Reste une pièce extrêmement bien construite, aux dialogues de très grande qualité (comme souvent chez Marivaux) et au charme certain.


Citations:

"Un mari porte un masque avec le monde, et un grimace avec sa femme."

"Avant notre connaissance, votre dot valait mieux que vous; à présent, vous valez mieux que votre dot."


Mario: Je ne saurais empêcher qu'il ne t'aime, belle Lisette; mais je ne veux pas qu'il te le dise. -Sylvia-  Il ne me le dit plus; il ne fait que me le répéter.

Mon coeur est fait comme celui de tout le monde. De quoi le vôtre s'avise-t-il de n'être fait comme celui de personne?"

"Va, dans ce monde, il faut être un peu trop bon pour l'être assez".


Partager cet article
Repost0
3 août 2009 1 03 /08 /août /2009 12:56




C'est à l'irlandais John Field (1782-1837) qu'on doit la dénomination "nocturne" appliquée à ce genre de composition. Field exerça une profonde influence sur Chopin, qui composa ses premières nocturnes à 17 ans, avec le même style de mélodie que son aîné, les mêmes fioritures empruntées au bel canto italien, avant de se détacher de son modèle et d'affirmer sa conception personnelle.


La composition des Nocturnes de Chopin s'est échelonnée sur une période de vingt ans (1827 à 1846). Je retiens tout particulièrement la Nocturne n° 13 op. 48 n° 1 (vidéo ci-dessus), pour son magnifique travail de transition effectué entre le lento très sombre, par lequel elle commence, et l'agitato rythmique de sa partie médiane.


La n° 15 op. 55 n° 1 est très célèbre, mais je lui préfère la n° 16 op 55. n° 2, et surtout les Nocturnes n° 17 op. 62 n° 1 et n° 18 op. 62 n° 2, pour leur fluidité rythmique et leur raffinement.

Partager cet article
Repost0
26 juillet 2009 7 26 /07 /juillet /2009 17:06

 

 


 

 

 


La « Jupiter » est la dernière symphonie de Mozart ; elle forme avec la 39e et la 40e un triptyque. Elle est considérée comme la plus savante des trois et dure un peu plus d'une demi-heure. Le caractère orchestral a été qualifié de « majestueux » et semble traduire une influence de Haendel, des fameux oratorios de celui-ci plus précisément.


 

Le premier mouvement est un allegro vivace, absolument grandiose, qui introduit deux motifs fortement contrastés ; l’un rythmique, l’autre chantant. En fait, cette symphonie construit un espace sonore aux oppositions marquées. C’est « La réconciliation des contraires » comme on a pu l’écrire.

Le deuxième mouvement est un andante cantabile (mouvement modéré) dont la structure rappelle l’andante de la Symphonie n° 39. Je ne peux pas dire que j’aime beaucoup la tonalité de ce mouvement, mais le final, molto allegro (cf. la vidéo ci-dessus), est une merveille dans laquelle Mozart, combinent quatre motifs.

Cette œuvre fut composée à Vienne, en 1788, trois ans avant la mort de Mozart. Le surnom de « Jupiter », donné en raison du caractère majestueux de l'oeuvre, comme le père des Dieux, ne doit rien à Mozart et est bien postérieur à sa mort. Cette symphonie est depuis longtemps très estimée, en témoigne cette citation du compositeur Richard Strauss : "La symphonie Jupiter est l'oeuvre la plus belle que j'aie écoutée."

Il est à noter que les trois dernières symphonies du merveilleux Wolfgang ont été écrites en moins de deux mois, alors qu'il rencontrait des problèmes d'ordre pécuniaire : voilà qui démontre un peu plus l'extraordinaire capacité créatrice de l'un des plus grands dieux de la musique.



Partager cet article
Repost0
28 juin 2009 7 28 /06 /juin /2009 09:59



Sur l'ordre  de Catherine II, l'architecte Alexeï Kvassov élabore un plan d'urbanisme général pour la ville de Saint-Pétersbourg. Cela répond aux besoin d'une ville en expansion. Le centre de la cité est structuré selon trois axes principaux et on établit un réseau régulier de rues avec des façades homogènes. Un multitude de bâtiments d'un genre nouveau apparaissent : écoles, tribunaux, bâtiments administratifs, banques, hôpitaux, entrepôts. Sous le règne d'Elisabeth Ière, à l'époque baroque, on ne construisait que des palais...






Le bâtiment de l'Académie des beaux-arts fut construit entre 1764 et 1789 par l'architecte français Jean-Baptiste Vallin de la Mothe et Alexandre F. Kokorinov qui assurait la direction des travaux. Édifié sur l'île Vassilevski, le bâtiment est un des premiers édifices néoclassiques de Saint-Pétersbourg (à propos de la fondation de la ville, cf. La Russie en tant que puissance européenne au XVIIIe siècle ). La façade est tournée vers la Neva et illustre des nouveaux modes d'expression d'inspiration classique : au-dessus d'un étage de soubassement, percé de baies en plein cintre et revêtu d'un bossage, s'élèvent deux étages rythmés de façon symétrique par des pilastres et par trois avant-corps à portique.




Sainte-Catherine


Outre les projets de la fameuse Perspective Nevski, comme la galerie marchande et l'église Sainte-Catherine, la construction de l'Ermitage s'inscrit dans la volonté d'aménager les rives du fleuve Neva. Catherine II est une grande collectionneuse d'art occidental. Par l'intermédiaire de ses ambassadeurs, et sur les conseils éclairés de Diderot, de Grimm ou du sculpteur Étienne Falconnet, elle fait l'acquisition de collections de valeur. En 1764, elle fonde le Petit Ermitage pour y abriter ses collections de peintures.




L'ensemble, très vite insuffisant, est agrandi par la construction du Vieil Ermitage (1771-1787) sur les plans de Iouri Velten (1730-1801). Le nom "d'Ermitage" va s'appliquer à toutes les salles où sont exposés des tableaux. Avec ce bâtiment, le futur théâtre et le palais d'Hiver, prend place le long de la Neva un grand ensemble architectural.




Palais d'Hiver


(A lire aussi Le Cavalier de Bronze )

Partager cet article
Repost0
3 juin 2009 3 03 /06 /juin /2009 19:06

 


Les jardins de Wilton House

 

 

Deux principes opposés inspirent le développement des jardins baroques en Europe : d’une part, la géométrie ; d’autre part, la nature. Dans le premier cas, le jardin est conçu comme un ensemble de figures géométriques ; dans le second, comme le domaine soigneusement délimité d’une nature exubérante. De cette opposition naîtront deux types de jardins : le jardin régulier et le jardin paysager. Les plus beaux exemples du premier se trouvent en France, les plus beaux exemples du second en Angleterre.

Il est à noter que le charme d’une nature luxuriante est souvent préféré au caractère raffiné et artificielle du jardin français.

 

 

 

 

 

 


Jardin de Sheffield Park

 

  

 

 

 Kassel, Xilhelmshöhe, jardins du Karlsberg, 1701-1711

 

 


Dans les jardins de la Renaissance italienne, la nature était associée à un plaisir de vivre fondé sur la quête de tranquillité. Le jardin échappe à l’agitation de la ville et offre un refuge aménagé. La maison et le jardin présentent souvent une unité artistique et empruntent les mêmes formes géométriques.

 

 

 

Tivoli, vue d’ensemble de la villa d’Este, gravure d’Etienne Dupérac, 1573



 



 

Le palais se trouve sur une hauteur, d’où la vue est magnifique. Les jardins, aménagés en contrebas, s’étendent sur cinq terrasses reliées par des allées, des escaliers et des rampes.


 

 

 

 


 

 

La villa Borghèse, à Rome, conteste cette primauté de l’architecture. Pour le commanditaire, le cardinal Scipion Borghèse, les bosquets et les plantations régulières étaient plus importantes qu’un ensemble d’allées, de rampes et d’escaliers. L’immense terrain fut divisé en plusieurs zones rarement symétriques. Des « jardins secrets », plantés de fleurs et d’arbres fruitiers, étaient entourés de haies de chênes, de cyprès et peuplés d’animaux et d’oiseaux.

Partager cet article
Repost0
30 mai 2009 6 30 /05 /mai /2009 08:50


Les armes que j'ai décrites ont été empruntées un peu à tous les peuples que les Romains ont eu à combattre : l’épée était espagnole, le bouclier était imité de celui des Grecs par exemple.

 

La légion romaine était articulée en manipules, primitivement de 100 hommes chacun, placé sous le commandement d’un « chef de centaine » (centurio, le mot évoquera quelque chose à tous les lecteurs d'Astérix). L’une des caractéristiques de cette légion romaine était le soin avec lequel, chaque soir, elle s’enfermait dans un camp. Ce souci de la sécurité, acquise au prix d’un grand effort de la part des hommes qui devaient quotidiennement (lorsque la troupe se déplaçait) accepter de se livrer à des travaux de fortification, apparaissaient aux Romains comme une supériorité militaire et aussi morale.

On commençait par tracer le praetorium (tente du général) : un carré de 60 mètres de côté, puis on dessinait deux grandes voies perpendiculaires qui se coupaient devant le praetorium. L’une de ces voies, orientée du nord au sud, s’appelait via principalis (la grand-rue). L’autre était le decumanus maximus, son tracé théorique prolongeait, vers l’est et l’ouest, l’axe du praetorium. La via principalis conduisait aux portes principales de droite et de gauche, le decumanus maximus à la porte praetoria (porte du général) tournée vers l’est.

Ce tracé rappelle de très près celui d’un temple romain urbain. L’influence du rituel est d’ailleurs manifeste : la porte prétorienne, tournée en principe vers l’orient, est la porte de bon augure (c’est de l’orient, dans la prise des auspices, que viennent les présages favorables). Et c’est elle qu’on ouvre dans la direction de l’ennemi, c’est par elle qu’on fait sortir les troupes pour aller au combat. La porte décumane (à l’ouest) est en revanche la porte maudite : les soldats qui l’empruntent vont en réalité au supplice auquel ils sont condamnés.

A lire également : L'armée romaine (1ère partie)


Partager cet article
Repost0
27 mai 2009 3 27 /05 /mai /2009 19:03



Eugène Ionesco est né à Stalina, en Roumanie, en 1912, d’un père roumain et d’une mère française. Sa famille s’installe à Paris l’année qui suit sa naissance. À trois ou quatre ans, sa mère l’emmène au jardin du Luxembourg voir Guignol : tous les enfants rient aux éclats, sauf lui ; il est fasciné. Il écrit son premier scénario à dix ans, une histoire de goûter d’enfants interrompu par les parents. Les enfants se vengent en cassant la vaisselle, jetant les parents par les fenêtres et en brûlant la maison.


En 1925, Ionesco revient en Roumanie, où il prépare une licence de français, à partir de 1929. Il écrit ses premiers poèmes. L’année 1938 le voit en France, où il travaille à une thèse, mais il a du mal à écrire en français. De 1940 à 1943, il vit à Marseille, où il gagne sa vie comme correcteur dans une maison d’édition administrative. À cette époque, il ne se rend jamais au théâtre…


Il décide d’apprendre l’anglais, et c’est en l’étudiant avec la méthode Assimil que l’idée lui vient de La Cantatrice chauve. Une partie des dialogues de cette pièce imite les phrases incohérentes d’un manuel de conversation en langue étrangère. L’usage répété des lieux communs dans ce manuel et le sérieux qu’il fut à les répéter lui inspirent des répliques comiques, du calibre de :


« La vérité ne se trouve d’ailleurs pas dans les livres, mais dans la vie. »

« Mme Martin : Ce matin, quand tu t’es regardé dans la glace tu ne t’es pas vu.
M. Martin : C’est parce que je n’étais pas encore là. »

Le premier héros ionescien est le langage, qui se décompose ici dans le non-sens, avec l’emploi de mot bâtard, et la communication entre les individus disparaît : « Quand je dis oui, c'est une façon de parler ».

Comme on a pu l’écrire, l’absurde, chez Ionesco, tue le langage. « Toujours, on s'empêtre entre les pattes du prêtre. » Mais dans cette pièce où règne l’absurde, le tragique est masqué. Ionesco est d’ailleurs l’un des auteurs (avec Beckett, notamment) à qui l’on doit la résurrection de la tragédie.

Du point de vue de l’accueil du public, il est à noter que cette pièce détient le record de longévité à Paris : elle fut à l’affiche du théâtre de la Huchette près de quarante ans.

Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Le blog de Nicolaï
  • : Blog culturel consacré à l'art et à la littérature
  • Contact

Recherche

Pages

Catégories